|
|
|
Le
but recherché dans une opération de
plessage est d'obtenir, à partir d'une haie
ayant perdu son efficacité en tant que limite
infranchissable, une nouvelle clôture homogène,
bien fournie depuis la base et dont les branches
, travaillées comme une vannerie forment
un obstacle pour les animaux domestiques, même
les plus petits (chèvres, moutons...). |
|
Quelles
essences peut-on plesser ? |
|
|
Toutes
les essences rencontrées habituellement
dans les haies se prêtent au plessage. On
éliminera cependant les sureaux ainsi que
les sycomores et les frênes jugés
trop dynamiques de même que les ronces,
les lianes et le bois mort. Les épineux
tels le prunellier ou l'aubépine subissent
sans dommage le "pliage" et repartent
avec vigueur, ils forment des clôtures défensives
extrêmement efficaces. Le charme, le chêne,
l'érable champêtre... cicatrisent
bien quand la plaie de taille est nette. Quant
aux arbustes comme le cornouiller, le troène,
la viorne... s'ils ne possèdent pas de
brins suffisamment droits et flexibles pour être
pliés, ils sont recépés à
leur base. |
Aubépines
plessées. Flandre
|
Le
plessage se pratique pendant la période
hivernale, d'octobre à avril. On évite
les périodes pluvieuses car la pluie, en
détrempant les gants de cuir les rend plus
vulnérables aux épines. L'opération
se fait en plusieurs étapes. On prépare
d'abord des piquets de coudrier, de saule, de
chêne ou de châtaignier dans les régions
où il est présent (le bois de châtaignier
est très résistant ), ces piquets
seront refendus si nécessaire. On prépare
également de longues badines souples de
noisetier ou de saule. La haie brute est ensuite
débarrassée de tous les fils de
fer qui avaient servi à la consolider,
puis elle est "dégarnie". De
jeunes troncs bien verticaux (les montants) seront
laissés à intervalle régulier
et coupés à 1.20 mètre environ,
ils seront complétés par les piquets
refendus préparés avant l'opération
... |
|
|
...
et formeront une chaîne sur laquelle sera
tressée la haie. La distance entre chaque
montant de la chaîne est de un pied environ
(0,3 m) en Grande Bretagne et d'1/2 mètre
dans le Morvan. Les baliveaux destinés
à être pliés seront sélectionnés
selon leur vigueur, leur hauteur et leur diamètre.
Les arbres trop âgés, le bois mort,
les ronces, les lianes et les buissons seront
éliminés.
|
L'opération
la plus délicate consiste à amincir
le pied de chaque baliveau sur plus des 3/4 de
son diamètre et jusqu'à 3 à
5 cm du sol., ceci afin de rendre la branche suffisamment
flexible pour qu'elle ne se rompe pas au pliage.
Cette opération se fait à la serpe
(le "courbet" en Avesnois). Les baliveaux
sont généralement tous pliés
dans le même sens - un droitier plie toujours
vers sa gauche - et du côté montant
de la pente. Un angle de pliage constant est maintenu
afin de faciliter la montée de la sève
et le départ de la végétation
au printemps.
|
|
Pour
maintenir cet angle constant, un bourrage intermédiaire
de branchages d'épineux est parfois utilisé.
Enfin, pour éviter que les vaches ne remontent
avec leurs cornes tout le travail de vannerie
qui vient d'être achevé, l'émondeur
entrelace à la partie supérieure
de la haie les longues badines de noisetier ou
de saule préparées précédemment.
Une technique originale aurait été
pratiquée en Boulonnais. Elle consistait
à refendre sur toute leur hauteur de jeunes
pousses de frêne ou de noisetier sur pied
et à entrelacer dans la haie à consolider
chaque 1/2 brin refendu.
|
|
|
Une
haie correctement tressée ne nécessitera
pas d'entretien pendant plusieurs années.
L'importance de la main d'oeuvre nécessaire
au plessage d'une haie reste le frein majeur à
la renaissance de ces techniques. |
|
|
|
|
|
|
|
|
Historique
|
Avec
l'apparition de l'agriculture et de l'élevage
à l'époque néolithique, les
peuples chasseurs-cueilleurs devenus agriculteurs
durent rapidement faire face à un problème
majeur : contenir le bétail dans des enclos
suffisamment hermétiques pour éviter
sa divagation mais aussi protéger les cultures
des dégâts occasionnés par les
animaux sauvages ou domestiques. |
La
première solution a certainement été
de construire des murets de pierres sèches
là où la matière première
abondait, cette pratique est toujours en usage
en Irlande et dans les régions de montagne.
Les murets se couvraient rapidement d'un boisement
naturel d'épineux qui renforçait
leur vocation défensive.
|
|
|
Pyrénées
|
|
Là
où le bois était disponible en quantité,
la confection de palissades de branchages tressés
était d'usage. Ces palissades portent le
nom de "haies sèches" ou "haies
mortes". Ce type de clôture, s'il avait
l'avantage de l'efficacité, était
peu durable et devait être remplacé
régulièrement. L'importante
consommation de bois nécessaire à
la construction et à la maintenance de
ces ouvrages se faisait au détriment des
réserves. Certains gouvernements royaux,
soucieux de préserver la ressource, recommandaient
à leurs sujets la plantation d'arbres et
arbustes vivants pour la réalisation des
clôtures. Les haies de bois vif ne demandaient
pas plus de travail et étaient plus pérennes
que les haies de bois mort. Ainsi sont apparues
les premières "haies vives".
|
|
"Haie
sèche" ou "Haie morte"
|
La
haie vive a un inconvénient majeur : son
homogénéité n'est pas toujours
parfaite. C'est surtout au pied des haies que les
dégradations sont les plus marquées.
Les végétaux se dégarnissent
à la base, certains arbustes meurent ou sont
broutés par le bétail, les animaux
profitent bien souvent de ces faiblesses pour retrouver
leur liberté ! Nous sommes à la fin
du moyen âge, le fil de fer n'apparaîtra
qu'à la fin du 19ème siècle
; le paysan imagine donc une technique de conduite
et d'entretien de la haie qui survivra jusqu'à
nos jours : le "plessage *" (plissage)
ou "tressage" des haies vives.
*
: voir glossaire
|
|
|
|
|
La
technique du plessage a semble-t-il été
pratiquée partout où la haie était
utilisée pour le pacage des animaux domestiques,
le côté naturellement défensif
des épineux étant renforcé
par le tressage des végétaux. Les
techniques étaient cependant différentes
d'une région à l'autre et elles variaient
également en fonction des essences travaillées
: chêne et noisetier dans le Morvan, hêtre
en Normandie, aubépines et prunellier en
Flandres et Avesnois... La tradition la plus marquée
est celle qui perdure au Royaume-Uni. Dans certaines
régions bocagères comme le Pays de
Galles, il est toujours possible de trouver des
éleveurs perpétuant cette coutume.
Ces techniques, souvent différentes d'une
région à l'autre et apparemment très
codifiées sont pratiquées avec un
outillage manuel spécialement adapté.
Elles font maintenant l'objet de nombreux stages
et compétitions répartis sur tout
le royaume.
|
|
Boulonnais
|
Si
le plessage avait pour objectif premier de régénérer
et de densifier une vieille haie, il était
aussi un moyen de récolter du bois de chauffage.
En
France, cette coutume a perduré dans certaines
régions jusqu'aux années 1960. L'évolution
de l'agriculture qui est apparue à cette
époque et qui a profondément modifié
les paysages de toute l'Europe en détruisant
en quelques années des bocages nés
il y a plusieurs siècles, a mis un coup
d'arrêt à une technique très
répandue depuis le 18ème. D'anciens
agriculteurs pratiquent encore le plessage dans
le Morvan, le Perche et les Flandres. Dans les
autres régions, la coutume semble s'être
éteinte après la deuxième
guerre mondiale.
|
|
Haie
plessée
Morvan
|
|
C'est
sous la forme de "reliques" de plessage
que l'on peut maintenant découvrir ces techniques
oubliées, l'hiver étant la saison
la plus propice à la recherche de ces vieilles
haies ouvragées. On retrouvera facilement
ces marques sur les grosses branches horizontales
de hêtre, de charme, de noisetier... qui ont
conservé une forme que le paysan leur avait
imposée il y bien souvent quelques décennies.
Les haies plessées de hêtre sont sans
doute les plus harmonieuses. Leurs troncs gris incrustés
de lichens prennent l'allure de candélabres
aux formes variées. Ces végétaux,
"torturés" par l'homme, ont mémorisé
des pratiques aujourd'hui disparues.
Ces
haies, considérées maintenant comme
"patrimoine" en raison de la valeur ethnologique
qu'elles représentent mériteraient
d'être préservées. Un classement
des plus représentatives serait souhaitable
avant leur totale disparition !
|
Plesse
de hêtre > 70 ans
Boulonnais
|
|
Aubépines
plessées
Flandre Française |
|
|
Plesse
de charme (Boulonnais)
|
|
|
|
|
|
|
|